L’Arabie Saoudite a réduit brutalement et contre toute attente ses extractions en mars, et fait savoir qu’elle veut accroître de presque 30 % le nombre de ses puits de forage : deux surprises qui viennent relancer les suspicions autour des capacités réelles de production de “la banque centrale du pétrole”.
L’Arabie Saoudite est aujourd’hui le seul pays capable d’augmenter significativement et sans délai sa production. [DR]
L’Arabie Saoudite est aujourd’hui le seul pays capable d’augmenter significativement et sans délai sa production. [DR]
Riyad a pris de court le monde du pétrole en annonçant le 17 avril que sa production au mois de mars a été inférieure d’au moins 700 000 barils par jour à toutes les estimations, y compris celle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole.
Le Wall Street Journal s’indigne : « Cette révélation met en lumière un problème dans lequel les marchés s’embourbent ces temps-ci : une disette d’informations solides concernant le vrai état de la production et de l’offre. »
L’annonce faite par le ministre du pétrole saoudien, Ali al-Naimi, a « crée la surprise à Washington, pour dire le moins », relève Javier Blas dans le Financial Times.
Que s’est-il passé au juste ? L’Arabie Saoudite avait initialement annoncé une augmentation de sa production de 500 000 barils par jour, destinée à calmer la hausse des prix du brut, et à compenser en partie l’arrêt presque total des exportations libyennes, qui a réduit de plus d’un million de barils par jour (Mb/j) l’offre mondiale. D’où l’étonnement d’apprendre que Riyad a ramené en mars sa production de 9,11 Mb/j à 8,29 Mb/j, alors que les affrontements en Libye se poursuivent.
Le marché pétrolier est « suralimenté », a justifié Ali al-Naimi. Une affirmation tout aussi déconcertante. Certes, le tremblement de terre au Japon a pu réduire provisoirement la demande mondiale. Toutefois, l’Agence internationale de l’énergie a revu une nouvelle fois à la hausse en avril son estimation de la demande pour 2011. De plus, les prix du baril n’ont jamais aussi hauts depuis les records atteints en 2008. Mais d’après le ministre du pétrole saoudien, la hausse des cours est due à la spéculation : pour M. al-Naimi, le marché est « inondé » de pétrole.
Une déclaration du secrétaire général de l’Opep, rapportée par l’agence Platts, selon laquelle les raffineurs n’ont pas voulu des 2 Mb/j de « mélange spécial » proposé par les Saoudiens afin de compenser la perte du pétrole de haute qualité libyen, n’a fait qu’ajouter à la confusion.
L’Arabie Saoudite dispose officiellement d’une capacité de production totale de 12,5 Mb/j, « ce qui permet d’avoir un matelas d’environ 3,5 Mb/j au-dessus du niveau actuel de production, lequel est ajusté en fonction des conditions du marché », a redit le ministre du pétrole saoudien. Dans les années à venir, Riyad devra maintenir sa production au-dessus de 9 Mb/j, et envisage d’accroître ses capacités d’extraction pour faire face à la hausse de la demande mondiale, d’après Petroleum Intelligence Weekly.
Seulement depuis plusieurs années, le niveau réel des capacités de production saoudiennes est régulièrement mis en question. Des soupçons qui prospèrent sur le secret absolu entourant cette donnée fondamentale pour l’avenir de l’économie mondiale.
Les sceptiques viennent d’être confortés par une dépêche de l’agence Reuters, qui révèle que l’Arabie Saoudite a décidé d’augmenter de près de 30 % le nombre de ses forages en cours. L’information provient de Simmons & Co, une banque d’affaires réputée de Houston, spécialisée dans l’énergie, dont le fondateur, Matthew Simmons, mort en août, accusait l’Arabie Saoudite de surestimer ses réserves et capacités de production officielles.
D’après la banque Simmons & Co, des dirigeants de l’Aramco (la compagnie pétrolière nationale saoudienne) ont rencontré des représentants d’Halliburton et d’autres géants des services pétroliers au cours du dernier week-end de mars, pour leur présenter un plan qui vise à faire passer le nombre de tours de forage de 92 environ aujourd’hui à 118 dès l’an prochain.
Deux représentants officiels de l’Aramco ont confirmé à Reuters que ces quelque 26 puits supplémentaires serviront uniquement à maintenir la capacité de production à son niveau actuel, et non à l’augmenter. En clair, l’Arabie Saoudite doit creuser de plus en plus de puits, uniquement pour compenser le déclin des extractions de ses puits plus anciens.
Plus que jamais, l’Arabie Saoudite demeure “la banque centrale du pétrole”. Les 3,5 Mb/j de capacités de production non-utilisées dont elle dispose officiellement font d’elle le seul pays producteur capable de compenser d’importantes chutes de production ailleurs dans le monde (comme c’est censé être aujourd’hui le cas avec la Libye), pour monter jusqu’à un maximum théorique de 12,5 Mb/j.
Des câbles diplomatiques américains mis au jour par Wikileaks ont pourtant confirmé qu’il serait difficile pour l’Arabie Saoudite de maintenir longtemps une production réelle de 12 Mb/j.
L’Agence internationale de l’énergie table toutefois dans son dernier rapport annuel sur une production saoudienne future de 14,6 Mb/j, un niveau jugé indispensable pour compenser le déclin en cours ou attendu de nombreux autres grands producteurs historiques.
Le livre réquisitoire contre l’Aramco publié par Matthew Simmons en 2005 est la source décisive de deux rapports récents du Pentagone envisageant des pénuries de pétrole « sévères » à partir de 2012 et jusqu’en 2015 au moins, ai-je appris auprès du département de la défense américain.
Le roi Abdallah d’Arabie Saoudite a annoncé en juillet avoir « ordonné d’interrompre toute exploration pétrolière, afin qu’une part de cette richesse soit préservée pour nos fils et nos successeurs, ...si Dieu le veut ».
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