lundi 12 mars 2012

FINANCE EUROPÉENNE : Entre Solidarité et Marché


Un Etat-Nation unitaire classique – surtout s’il  assure depuis longtemps l’identité entre citoyenneté et nationalité -  avec sa monnaie elle même classique, peut à la limite ne pas concevoir de dispositif de redistribution face à l’inégale compétitivité entre régions : il y aura simplement exode des nationaux défavorisés, désertification, et concentration de ces mêmes nationaux vers les zones développées.

Tel  n’est pas le cas de l’euro-zone, et la Grèce ne pourra disparaitre : elle est une « zone » fort  étrangère à une quelconque « zone »  d’un Etat-Nation unitaire, car elle  dispose d’une extériorité que 450 années d’occupation n’a pu réduire. Si donc il y a inégale compétitivité, par exemple avec l’Allemagne, il faut -à peine de violence,  ou de sortie de l’euro- zone, imaginer une très puissante redistribution, au moins à la hauteur du déficit commercial. Soit une solidarité probablement plus importante que celle qui peut être imaginée dans un Etat-Nation classique. Et une solidarité qui n’est plus envisageable dans l’idéologie du tout marché et du chacun pour soi.
Si la crise du fordisme et son reploiement planétaire à fait que les Flamands n’acceptent plus de financer les wallons, on voit mal les Bavarois financer les macédoniens. On pourrait bien sûr imaginer une solidarité  type « tiers payant » avec une banque centrale allemande se gavant  de dette publique grecque, par gonflement sans limite de son bilan . Mais ce serait ruiner la loi d’airain de la monnaie sur laquelle s’est elle-même construite la finance libérale. Les présentes inquiétudes allemandes sur le fonctionnement de TARGET 2 sont là pour en témoigner.
On peut, certes aussi dans le cadre du tout marché, envisager une solidarité provoquée par le redéploiement du fordisme allemand, et ainsi provoquer, à terme, la mise à niveau de la Grèce en termes de productivité. Il y aurait ainsi déplacement de capital, compensant dans la balance des comptes le déséquilibre des échanges commerciaux. 
Mais une telle hypothèse  est peu réaliste, car le tout marché révèle aussi  que le fordisme allemand a mieux a faire que de s’intéresser à une zone présentant des coûts beaucoup trop élevés, en raison de l’existence de la monnaie unique. Il en est de même pour les entrepreneurs grecs qui ne peuvent investir que dans des activités non soumises à la concurrence étrangère, à peine d’échec assuré. On ne peut, en monnaie unique et sans solidarité, transformer le Péloponnèse en Bade Wurtemberg.
L’euro suppose ainsi une puissante solidarité que le libre marché ne peut que refuser. Avec ses conséquences en termes de pourrissement de toute l’économie européenne. Le déséquilibre extérieur grec et son jumeau, c’est-à-dire le déséquilibre public, ne peut être corrigé sans politique restrictive brutale, laquelle à pour contrepartie moins d’exportations allemandes. Il en est bien sûr de même pour l’Espagne, le Portugal, L’Italie, etc. Cela signifie la fin du très relatif miracle allemand et donc le pourrissement de toute l’économie européenne avec globalement la fin de toute idée de construction de l’avenir : Les investisseurs privés voient les débouchés décliner, et les investisseurs publics, loi d’airain de la monnaie oblige, sont absents depuis très  longtemps.
En signant le 2 Mars dernier le nouveau « Traité sur la stabilité, la coordination, et la gouvernance de l’Union Economique et Monétaire », les chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés à Bruxelles ont fait le choix de la finance contre l’Europe. Ils ont aussi oublié les innombrables travaux et rapports  bruxellois qui depuis les années 50 jusqu’aux débuts des années 70 tentaient d’éclairer l’avenir en réfléchissant en profondeur sur l’avenir du continent. La logique de l’intérêt financier immédiat ne déteste pas de s’arrimer aux croyances populaires, et il est bon pour la finance que  l’Euro soit devenu le « corps vivant de l’Europe » , comme  naguère, l’église pouvait être le corps vivant du Christ.

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