dimanche 8 avril 2012

ISRAËL : Vers un deuxième été de contestation sociale ?

Stanley Fischer
Stanley Fischer, gouverneur de la banque centrale israélienne, déclarait à l'occasion de la remise de son rapport annuel le 28 Mars 2012 : « Si l'économie israélienne est bonne (mais pas excellente) au vue de la situation économique internationale, le gouvernement doit effectuer des changements considérables dans la répartition des charges. La politique du gouvernement a accentué les inégalités ». Voilà résumée la situation en demi-teinte de l'économie israélienne en 2011 et 2012.

Il semble que les causes qui ont provoqué les manifestations d'aout 2011 n'ont pas disparu et vraisemblablement, entraineront les mêmes effets à l'été 2012

Revenus et consommation des ménages

Après les décisions initiées par les conclusions de la commission Tractenberg, le mouvement social en Israël semblait avoir perdu de son ampleur.  Depuis le début de l'année civile, trois mouvements  de protestation dans les services décentralisés, les services ferroviaires et chez les salariés de la sous-traitance avaient paralysé le pays.  A chaque fois, la politique pseudo-libérale du gouvernement Netanyahou était mise en cause, qu'il s'agisse du désengagement de l'Etat des services publics locaux et  nationaux ou des inégalités de traitement des salariés.

A chaque fois, l'on a assisté au même scenario: le gouvernement est revenu sur ses décisions, provoquant un affaiblissement durable de la crédibilité de l'Etat. Par ailleurs, certaines mesures phares de la commission Tractenberg n'ont pas les effets escomptés: l'avantage fiscal accordé aux jeunes familles dont les parents travaillent, ne profite pas au tiers le plus faible de la population, car leurs revenus n'atteignent pas les seuils d'imposition.

En ce qui concerne leur pouvoir d'achat, les israéliens peuvent à juste titre être ulcérés par l'augmentation incessante des prix pratiqués sur les produits alimentaires et énergétiques. Un scandale a même éclaté lorsqu'un journaliste a révélé que le prix d'une fameuse barre chocolatée israélienne était trois fois moins élevé aux Etats-Unis qu'en Israël, son pays de fabrication! Une des causes de ce paradoxe est la quasi-absence de concurrence en Israël car les droits de douanes peuvent être très dissuasifs. On est loin du «laissez faire, laissez passer» cher aux libéraux. Les cartels familiaux savent faire pression sur les décideurs pour que cette situation perdure et leur permette de pratiquer les prix qu'ils souhaitent.

L'augmentation de ces prix provoque également la hausse des taxes indirectes (tva et taxes sur les produits pétroliers). Elles représentent 50%  des recettes budgétaires, chiffre considérable pour un pays développé.  En outre, frappant toutes les couches de la population sans distinction, elles sont un facteur d'aggravation des écarts sociaux.

Perspectives et alternatives crédibles ?

Stanley Fischer prévient qu'une hausse des impôts  est inéluctable si le gouvernement décide d'augmenter le budget de la Défense. En outre, il reprend et améliore une proposition du FMI : les profits tirés des récentes découvertes gazières devraient être investis dans un fonds souverain dont  les revenus serviraient  à financer des mesures pour la justice sociale.
Les deux principaux partis d'opposition, que l'on n'a pas beaucoup entendus ces trois dernières années, semblent se réveiller à la faveur d'un changement à leur tête.
Shelly Yachimovich, fraichement élue à la tête du parti travailliste, est en quête de reconnaissance. En effet, après  des élections de 2009 catastrophiques, elle doit rompre avec le souvenir laissé par l'ancien  leader et actuel ministre de la Défense, ne pouvant pas tenir dans une coalition avec laquelle le parti de Ben Gourion n'avait rien de commun idéologiquement. C'est en matière de justice sociale qu'elle s'exprime le plus dans les media, actuellement.

Au centre après  la défaite de Tsipi Livni, à qui les membres de Kadima  ont reproché l'absence et le manque d'intérêt pour les préoccupations quotidiennes des israéliens, son successeur, Shaoul Mofaz multiplie les signes d'un habillage social. Il déclarait le weekend suivant son élection sur Reshet Beth vouloir «prendre la tête de la contestation sociale». Issu d'une famille modeste, il a bénéficié du principal  ascenseur social de son époque: l'armée. Malgré son passé au Likoud pourra t-il se muer en «Che» israélien?
Manifestation des tentes à Tel-Aviv

Yaïr Lapid, dont le parti est pour l'instant en gestation mais crédité de 12 mandats, n'a pas encore indiqué son point de vue. Seule la lecture de certains de ses ouvrages («A nouveau en file d'attente» ed. Yediot 2011) permet d'affirmer qu'il est très critique concernant les passe-droits accordés aux fameux Tycoons (oligarques).
          
Ajoutons les élections fin mai au principal syndicat Histadrout et l'on a tous les ingrédients pour un second été de contestation social, dont Bibi lui-même affirme «ne pas avoir peur». On peut être sceptique cependant sur sa capacité à écouter ce mécontentement, à le comprendre et à agir. 

Par Johann Habib
Avocat israélien

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