mercredi 16 mars 2011

Le Japon est-il en Banqueroute ?

Le nouveau premier ministre, Naoto Kan, a décidé de s'attaquer de front à la dette publique du pays, qui dépasse les 200 % du PIB. Il veut réduire les dépenses publiques, relever la TVA, mais baisser l'impôt sur les sociétés.

S'il ne prend pas le taureau par les cornes, le Japon finira comme la Grèce. Le discours de politique générale prononcé hier par le nouveau premier ministre, Naoto Kan, devant le Parlement est clairement destiné à créer un électrochoc.
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«À l'image des problèmes dans la zone euro provoqués par la ­Grèce, il y a un risque d'effondrement si nous ne faisons rien contre l'augmentation des dettes publiques et perdons en conséquence la confiance des marchés d'obligations», a-t-il affirmé. La dette du Japon dépasse en effet 200 % du PIB (produit intérieur brut) et menace d'atteindre 246 % en 2014, d'après le FMI.

En réalité, il n'y a aucune chance que l'Archipel se retrouve dans la situation d'Athènes, puisque cette dette est détenue à 95 % par des investisseurs nippons et que les taux longs restent très bas, mais Tokyo redoute la réaction des agences de notation. En janvier dernier, Standard and Poor's avait rétrogradé la note de sa dette à long terme de «stable» à «négative». 

Guy Sorman signait il y a quelques semaines dans Le Figaro un papier sur le Japon, dont la situation peut sembler de prime abord séduisante :  
“les cent millions de Japonais produisent plus que les deux milliards et demi de Chinois et d’Indiens. Le Japon reste innovant : il s’y dépose plus de brevets par an que dans l’ensemble de l’Union européenne [29% des brevets dans le monde]. Même avec une croissance zéro, le pays peut tenir encore dix ou vingt ans”. Mais ce bilan admirable masque d'autres réalités puisqu' “au-delà, on ne sait pas.

Naoto Kan, qui peut compter sur le soutien de 61,5 % de la population, selon un sondage réalisé mercredi, tire un trait sur plus de dix ans de politique économique qui a conduit le pays à s'asphyxier.

Il veut aller vite et lancer une refonte totale du système fiscal en engageant un «débat national au-delà des barrières partisanes» pour s'assurer le soutien de l'opposition. La reprise économique de l'Archipel, avec une croissance annualisée de 5 % au premier trimestre, lui en donne les moyens.

Spirale déflationniste
 
Mais cette réforme risque d'être douloureuse car elle passe par une augmentation de la TVA, actuellement à 5 %, l'une des plus basses des pays développés. Ne peut-elle pas tuer dans l'œuf la reprise de la confiance des consommateurs enregistrée depuis cinq mois ? «Je ne le crois pas. La TVA pourrait doubler, mais cela ne devrait pas peser. Quand les ménages voient l'État trop endetté, ils freinent leurs achats. S'ils ont une visibilité ils consommeront plus», affirme un banquier d'affaires à Tokyo. Et d'ajouter qu'une telle mesure peut permettre de sortir de la spirale de la déflation, qui, «à force d'attendre de nouvelles baisses des prix, nuit à la consommation».

Le gouvernement, qui veut réduire les dépenses publiques superflues, se prépare parallèlement à réduire l'impôt sur les sociétés, qui, à 40 %, est l'un des plus forts des pays de l'OCDE. Cela permettrait aux entreprises de proposer des produits moins chers, réduisant du même coup l'impact de la hausse de la taxe sur la consommation.

«C'est courageux», observe un analyste financier français installé au Japon. Et Naoto Kan, pour une fois, peut s'appuyer en toute confiance sur le nouveau ministre des Finances, Yoshihiko Noda, adepte convaincu de la discipline budgétaire.

Seule ombre au tableau, le premier ministre ne peut pas renier les promesses sociales faites lors de la campagne de son parti. Or elles coûtent cher. La seule allocation pour les enfants poursuivant leurs études, lancée au printemps et destinée à lutter contre la dénatalité, représente 45 milliards d'euros par an. Et le ministre des Affaires sociales, Akira Nagatsuma, laisse entendre qu'elle pourrait prendre une autre forme qu'un versement en liquide aux familles. Mais «quand on prêche la rigueur de manière didactique, les Japonais comprennent parfaitement», tranche le banquier d'affaires, qui prend le pari que la révolution Kan l'emportera.

Par Arnaud Rodier

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