jeudi 28 juillet 2011

Profond réveil social en Israël




Israël n’a pas connu de mouvement social d’une telle ampleur (non dirigé par des syndicats) depuis les "panthères noires" en 1971. La vingtaine de campements de Kyriat Shemona à Eilat, les manifestations qui se multiplient et s’intensifient chaque jour, les grèves du corps médical auquel viennent s’ajouter d’autres revendications sont les signes d’un profond malaise.


La marche de protestation samedi soir à Tel Aviv, qui a rassemblé près de 30 000 personnes, n’avait pas seulement pour but de demander au gouvernement des solutions concrètes contre la hausse des loyers et des prix de l’immobilier. Elle était l’expression du ras-le-bol de la classe moyenne israélienne, de ces gens qui triment pour joindre les deux bouts et qui ont juste assez d’air pour ne pas s’étouffer. Un des jeunes, qui a dressé sa tente au boulevard Rothschild, a résumé assez bien le sentiment de beaucoup : "On nous donne les moyens de survivre. Aujourd’hui, nous crions que nous voulons vivre."


Les manifestants, comme les médecins qui ont décidé d’entamer une grève de la faim, ne sont pas des parasites de la société. Ils travaillent dur. Certains ont même deux ou trois jobs pour arriver à boucler le mois. Ils ont fait le service militaire, sont réservistes et participent activement à la vie sociale du pays. Le sentiment de n’être jamais prioritaire comme le sont les familles ultra-orthodoxes, les habitants juifs des implantations ou d’autres secteurs de la société est aujourd’hui largement partagé par cette classe moyenne que l’on disait indifférente et individualiste, incapable de se mobiliser pour une cause.


Le mouvement des tentes et la grève du corps médical dans le secteur public manifestent un réveil social. Cette classe moyenne n’a que faire des indices économiques excellents, de la croissance en augmentation et du taux de chômage qui n’a jamais été plus bas qu’aujourd’hui. Concrètement, leur pouvoir d’achat ne cesse de diminuer, les charges et les impôts en tout genre ne font qu’augmenter et les fins du mois se font de plus en plus difficiles. En Israël, les riches sont devenus plus riches et les classes moyennes sont sur la pente glissante de la pauvreté. Que l’économie israélienne se porte bien (particulièrement pour la dizaine de familles qui dirigent le pays) leur importe peu. Ils veulent en voir les fruits quand ils vont au supermarché ou lorsqu’ils doivent payer la garderie de leurs enfants.


Le ministre des Finances, Yuval Steinitz, est un professeur d’université. Sa jouissance est décuplée devant des graphiques, des statistiques et des chiffres. On a pu le constater, non sans étonnement, lors des conférences de presse qu’il a donné depuis deux ans. 
A tord ou à raison, il passe pour un homme froid, coupé de la réalité qui à force de voir le monde en "macro" a oublié qu’il avait été élu député et nommé ministre, non pour s’adonner à la mathématique, mais proposer des solutions concrètes à des personnes en chair et en os.


Binyamin Netanyahou est sous pression. Le mouvement qu’il pensait au départ très marginal et récupéré politiquement prend finalement une tournure inquiétante. 


L’idée de sacrifier son ministre des Finances l’a effleuré mais finalement, par peur d’avouer un échec, il s’est rétracté. Sa marge de manœuvre est étroite. Les propositions qu’il fera aux manifestants ne seront à coup sûr pas suffisantes parce que la gronde est plus profonde qu’une simple demande de réforme de l’immobilier. Les manifestants veulent un changement radical : le capitalisme à l’américaine n’est pas pour Israël. 
Netanyahou doit changer de cap et tenir compte de ce réveil social. Le peut-il et le veut-il ? 
Pas sûr…

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