jeudi 15 mars 2012

FINANCE EUROPÉENNE : Les banques centrales doivent-elles prêter aux Etats ?


Si la banque centrale n’a pas à financer les Etats de manière gratuite et illimitée, il serait utile qu’elle soit autorisée à les aider en situation de crise. En théorie, la Banque centrale européenne n’a pas le droit de le faire mais, en pratique, elle contourne l’interdiction, explique Philippe Frémeaux dans sa chronique pour France culture.
Une idée circule sur le net : il suffirait d’autoriser la banque centrale européenne à financer directement les Etats pour résoudre la crise de la dette, en revenant sur l’interdiction fixée dans les traités, interdiction également présente dans la loi française depuis 1973. Vraie solution ou rumeur de plus ?

Commençons par rappeler quelques principes. La monnaie, dans une économie fondée sur le crédit, est créée par les banques. Celles-ci accordent des prêts, qui se transforment en dépôts qui viennent leur permettre d’accorder de nouveaux prêts… Sur ces bases, les banques centrales ont d’abord pour fonction de réguler le volume de crédit émis par les banques afin que l’économie fonctionne bien, mais sans engendrer trop d’inflation, ce qui risquerait finirait par ruiner la confiance dans la monnaie. Tout le débat entre économistes porte sur ce que signifie « fonctionne bien», en termes d’activité, d’emploi, et à partir de quand y a-t-il « trop d’inflation ». En revanche, tous sont d’accord pour considérer que la monnaie est un bien public essentiel, ce qui justifie que les banques centrales soient des institutions, elles aussi, publiques. Pour autant, elles bénéficient dans l’ensemble d’une grande autonomie vis-à-vis des gouvernements, à la manière des cours constitutionnelles.
Et pourquoi ?
Parce qu’on redoute de voir l’Etat les mettre à son service et financer ses dépenses via la planche à billets. Ce qui finirait par détruire à coup sûr la confiance dans la monnaie.
En résumé, les Etats doivent comme tout le monde financer leurs dépenses grâce à leurs revenus, en l’occurrence, l’impôt, et non en faisant appel à la banque centrale ?
Oui. Dans le même temps, il peut être de bonne politique pour un Etat de s’endetter. De même qu’une entreprise emprunte pour investir, et réalise ainsi des excédents qui lui permettent de rembourser la banque et faire des profits, l’Etat peut, lui aussi, financer par la dette des dépenses d’avenir. En simplifiant, s’endetter est une bonne chose aussi longtemps que la croissance qui en résulte est supérieure au coût de l’emprunt.
Et ce n’a pas été le cas ces dernières années ?
Non. Paradoxalement, c’est le ralentissement de la croissance, à compter des années 1970, qui a conduit les Etats à s’endetter. On a alors été chercher ces fameux « marchés financiers », aujourd’hui vilipendés, pour parvenir à satisfaire la demande de dépenses publiques et sociales sans avoir trop à augmenter impôts et cotisations. C’est notamment à cette fin qu’a été organisée la libéralisation financière. L’euro a ensuite joué un rôle pousse-au-crime pour certains pays, en réduisant les taux d’intérêt. Puis est venue la crise financière, qui a contraint les Etats à s’endetter pour soutenir leur économie…
OK. Mais maintenant, que fait-on avec le stock de dettes accumulées, notamment par les pays en difficulté ?
Il n’y a que trois façons de sortir d’une situation de surendettement : obtenir de vos créanciers qu’ils renoncent à une partie de ce qu’ils vous ont prêté. 
L’avantage est de remettre les compteurs à zéro, l’inconvénient est de dégrader durablement votre réputation. Mais quand la dette est insoutenable, c’est la seule solution, exemple : la Grèce. La seconde est d’espérer qu’une inflation plus forte va dévaloriser vos dettes passées. 
Mais l’inflation ne se décrète pas, et il ne suffit pas pour l’obtenir de créer plus de monnaie car celle-ci peut aussi nourrir des bulles spéculatives…    
Au fond, l’inflation n’est utile que si elle accompagne le retour de la croissance, la vraie solution.
Et quel doit être le rôle de la banque centrale, dans cette perspective ?
Si la banque centrale n’a pas à financer les Etats de manière gratuite et illimitée, il serait utile qu’elle soit autorisée à les aider en situation de crise. Il suffirait aujourd’hui qu’elle menace les créanciers de se substituer à eux, pour prêter à l’Italie ou l’Espagne à des taux raisonnables, pour casser net la spéculation. En pratique, la BCE contourne néanmoins l’interdiction qui lui est faite. Elle a racheté à plusieurs reprises des titres d’Etat sur le marché de l’occasion, ce qui en accroît la valeur et diminue les taux. Elle refinance massivement les banques, ce qui a permis à l’Italie et à l’Espagne, la semaine dernière, d’emprunter à des taux en forte baisse, bien que cette dernière peine à tenir ses objectifs de réduction des déficits publics…
Donc, indirectement, la banque centrale finance tout de même les Etats…
Disons qu’elle concourt à fixer les taux auxquels ils refinancent leur dette. Reste maintenant à faire redémarrer la croissance, et là, Mario Draghi ne peut seul faire des miracles. Il va falloir que Madame Merkel y mette aussi du sien…

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