vendredi 23 mars 2012

USA : Rappel à la réalité


James Howard Kunstler est un journaliste qui a travaillé pour de nombreux journaux, dont Rolling Stones Magazine. Dans son dernier livre, The Long Emergency, il décrit les changements auxquels la société américaine devra faire face au cours du 21° siècle. Il envisage un futur prochain fait de crises sociales à répétition, la fin de la Surburbia et du modèle économique associé et une guerre mondiale pour les ressources en énergie. Il prédit la déconstruction des empires européens et américains et pense que, lorsque les convulsions seront terminées, le monde reviendra à un modèle décentralisé et local.
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L’Amérique commence peu à peu à me rappeler le grand classique de l’horreurQu’est-il arrivé à baby Jane ? Elle a perdu tout sens de la réalité, et se comporte telle une vieille prostituée maquillée à la truelle faisant son show sur une plage pendant que ses parents mourants l’observent, allongés sur le sable.

Le vent de l’Histoire nous pousse vers un horizon dont nous ne voulons entendre parler. Et nous nous tenons là, les mains couvrant nos oreilles, refusant d’ouvrir les yeux sur la réalité. Voici certains sujets étant pour beaucoup d’entre nous sources de confusion : 


  • Nous nous répétons à nous-mêmes que nous sommes entrés en phase de rétablissement économique, ce qui signifie que nous nous attendons à retourner vers une économie alimentée par le crédit et l’énergie à bas prix. Foutaises ! Cet épisode de notre Histoire est terminé. Nous avons désormais entré une phase de contraction qui nous semblera permanente jusqu’à ce que notre économie ait atteint un point de remise à zéro et apprenne enfin à faire avec ce que la nature a à offrir. Ce point de réinitialisation sera bien inférieur à tout ce que nous pouvons nous imaginer. Notre mission sera de gérer intelligemment cette phase de contraction. Nous préférons nous laisser penser que les choses continueront pour nous d’aller dans la bonne direction, la direction du ‘toujours plus’. Que nous le voulions ou non, nous allons dans la direction opposée. Bien que ce ne soit pas une chose facile à accepter, c’est garanti, et ce n’est là que la conséquence de nos actions. Nous ne pouvons blâmer personne d’autre que nous.

  • Notre secteur immobilier ne sera plus jamais ce qu’il était, dans la mesure où nous nous devons aujourd’hui d’aménager notre vie différemment. Nous avons construit trop de maisons aux mauvais endroits, et sans disposition civique particulière. Nous avons pu survivre ainsi grâce à un pétrole peu cher, à des voitures achetées avec des cartes de crédit, et à tous ces étrangers nous ayant prêté leur monnaie. Nous devrions cesser d’étendre nos banlieues. Lorsque nous ne pourrons plus en supporter les disfonctionnements et les inconvénients, nous aurons à les quitter. Pour rendre les choses encore plus graves, nous ne savons pas encore que notre système d’agglomération n’est plus en mesure de subsister. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’un des principaux thèmes traités par la campagne présidentielle actuelle – bien qu’il ne soit pas traité explicitement – est la défense du droit d’accès à un mode de vie urbain. En d’autres termes, c’est une campagne en faveur du soutien de l’insoutenable. Comme la dynamique des banlieues ne cesse de décroître, les mécontentements pourront vite se transformer en rage. Et tout ceci ne sera dû qu’aux mensonges ayant été proférés par les hommes politiques depuis de trop nombreuses années. Cette rage du public pourra se montrer extrêmement destructrice. Elle pourra renverser le gouvernement, provoquer des guerres civiles, ou nous mener vers d’autres aventures militaires – si nos mauvais choix venaient à nouveau à être blâmés sur l’étranger. Si nous concentrions nos esprits et nos efforts sur le développement d’un meilleur moyen d’occuper notre petit morceau de terre, les choses pourraient prendre une tournure tout à fait différente. Ce que j’implique par là, c’est un retour à des schémas de développement traditionnels (des villes) intégrés aux campagnes et à l’activité agricole.

  • Une multiplication des diplômes de nous ne permettra pas de retourner à une économie basée sur la consommation. Nous n’aurons bientôt plus besoin d’hommes d’affaires, de vendeurs d’obligations, de députés régionaux, de docteurs en étude de genres… Bien qu’aujourd’hui, les entreprises et institutions les plus puissantes semblent gouverner nos vies, il ne se passera pas bien longtemps avant qu’elles ne disparaissent complètement. Toute organisation à grande échelle est sur le point d’osciller et de s’effondrer : les chaînes nationales de vente au détail, les entreprises multinationales, les banques, les universités, et ainsi de suite. Le centre de la vie économique en Amérique deviendra la production alimentaire et autres activités agricoles, pas le développement de jeux vidéo, ou encore les voitures hybride. Nous aurons bientôt besoin de plus de fermiers, et de plus de force de travail dans nos champs. De nouveaux emplois seront créés, mais seulement très peu d’entre eux consisteront à rester assis dans un bureau avec air conditionné. Vous pouvez décider de fermer les yeux sur tout cela, la réalité finira par vous rattraper.

  • En matière énergétique, nous sommes dans le pétrin (voir la cartographie de Sciences-Po ici). On entend partout que les Etats-Unis sont sur le point de devenir un pays exportateur de pétrole. C’est un amas d’absurdités ! Nous continuerons d’importer plus de deux tiers du pétrole que nous consommons. Nous avons également pu entendre que les nappes de pétrole de schiste de la région de Bakken nous rendront bientôt énergétiquement indépendants. C’est une méprise ! Selon certains, nous disposerions encore d’assez de gaz naturel pour ces cent prochaines années. Ce sont ici des fabulations alimentées par la phase de chagrin collectif dans laquelle nous sommes entrés – la phase de négociation, durant laquelle nous tentons désespérément d’établir un meilleur contrat avec la réalité. Et je nous souhaite bien de la chance. La réalité, c’est que nous ne disposions de presque plus aucune réserve de pétrole ou de gaz peu chère, et que ce qu’il nous reste est si difficile à extraire que nous ne possédons pas les ressources suffisantes pour ce faire. A trop ignorer les désordres de notre système financier, nous manquons d’observer l’absence de création réelle de capital. Les compagnies pétrolières ne cessent de se lancer dans des campagnes de publicité afin d’obtenir des investissements pour pouvoir financer leur schéma Ponzi. (Traduction : obtenir l’argent des retraités ne pouvant obtenir de rendement de ces investissements ‘sécurisés’ que sont les obligations). Nous aurons tôt ou tard à nous y confronter : l’âge de l’énergie fossile et terminée, et nous ne pourrons y remédier par aucun miracle.

  • La haute technologie ne nous permettra pas de surmonter les problèmes auxquels nous faisons face, particulièrement en matière énergétique. Les Américains rêvent encore de voitures électriques, de nanotechnologie, et d’une technologie de l’information qui pourrait permettre à ce progrès que nousconnaissons et aimons tant de pouvoir perdurer. Tout comme la fin de l’ère des banlieues, cela nous mènera vers d’importants mécontentements. Nous sommes sur le point de connaître une interruption du progrès technologique, et ce pour une durée indéterminée. L’utopie serait que nous puissions échanger toutes nos voitures diesel pour des voitures électriques. Cela ne se produira pas. Les Etats-Unis ne seront plus jamais une société d’abondance. De moins en moins de capital sera disponible au crédit. Nos villes, nos régions et nos états tomberont dans la banqueroute, et plus personne n’aura les moyens de maintenir nos réseaux routiers en état. C’est pourquoi nous devons aujourd’hui nous concentrer sur la création de villes à taille humaine plutôt que d’étendre nos banlieues, et pourquoi nous avons désespérément besoin d’entreprendre la réparation de nos chemins de fers classiques plutôt que des lignes grande vitesse.

  • Nous voudrions qu’en fermant les yeux sur nos problèmes bancaires, monétaires, et de formation de capital, ils finissent par disparaître tels la rosée du matin. Si l’ordre économique n’est pas bientôt rétabli, alors notre système courra à sa perte. Cela pourra éventuellement déstabiliser la discussion autour du pic pétrolier – en réalité, le pic pétrolier en sera accéléré du fait de la rareté de capital. Le président Obama ne rend service à personne en autorisant JonCorzine à demeurer en fuite. Si nous continuons d’agir comme si rien ne s’était produit, la réalité finira par venir corriger notre système monétaire à notre place, nous forçant à tout recommencer à zéro. Littéralement, à zéro.

Il serait bon que nous puissions corriger les dysfonctionnements de ce système de prise de décision collective que nous appelons ‘politique’, mais cela ne ferait que nous placer en une posture encore plus divergente de la réalité. Pour le moment, les dirigeant des Etats-Unis semblent tous avoir bu trop de limonade. Ils manquent tous de compétence, et refusent d’accepter le devenir du notre pays.

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