mardi 23 avril 2013

FRANCE / MONNAIE : La France bat-elle monnaie ? La dernière rumeur…



Mes chères contrariées, mes chers contrariens ! 

Il y avait plein de choses dont je souhaitais vous parler aujourd’hui mais je vais devoir faire un petit passage par la dernière rumeur qui commence à agiter internet.

La France a-t-elle à nouveau sa propre sa monnaie ?

C’est en tout cas le titre du dernier Edito, plutôt court au demeurant, écrit par PaulKrugman prix Nobel d’économie en 2008 soit dit en passant. Tout va partir de là pour commencer à se mélanger dans un immense maelstrom « internetesque » puisque cette idée va être amplifier par plusieurs articles de la presse allemande qui exprime des inquiétudes non voilées sur l’utilisation par les banques françaises du système d’aide de la BCE intitulé STEP… Cela va donner une série d’articles qui commence à faire flores sur le web français et sur les sites d’informations alternatifs.

Vous n’avez strictement rien compris ? C’est normal, moi non plus ! Enfin si, mais il a fallu que je me replonge un peu dans mes notes et mes tas monumentaux de papiers (pour des questions de sécurité vitale le port du casque est impérativement obligatoire pour rentrer dans mon bureau, car vous risquez à tout moment d’être assommé par un rapport quelconque de la BCE).

Alors essayons de mieux comprendre et de retirer de tout cela la « substantifique moelle » comme on dit (pour la police de la pensée unique inculte, cela n’est pas une incitation au meurtre d’un animal quelconque, c’est une expression signifiant qu’il faut comprendre l’essentiel).

Que nous raconte Paul Krugman ?

En réalité pas grand-chose. C’est même d’ailleurs un article étonnamment plat et vide pour un titulaire d’un prix Nobel. Juste un titre provocant comme il faut (comme je fais la même chose je ne vais pas non plus l’accabler) et essentiellement un constat, le taux d’emprunt à 10 ans de la France s’effondre à moins de 2% ce qui est du jamais vu.

Il s’interroge donc doctement sur ce que pensent les marchés et il pense donc que les marchés pensent qu’en réalité la BCE n’abandonnera pas un pays comme la France et imprimera autant de monnaie qu’il sera nécessaire pour maintenir les taux bas. Pour lui la BCE jouera son rôle de prêteur en dernier ressort. Pourtant il titre bien « La France a à nouveau sa propre monnaie » ce qui n’a strictement rien à voir avec le reste de son (très court) article qui n’apporte rien de plus que l’idée mentionnée plus haut. Mais pour ceux qui ne lisent que les grands titres (tout lire c’est fatigant même quand c’est court) la confusion s’est déjà installée.

Pour ma part je reste persuadé que les marchés profitent d’une situation d’argent gratuit au Japon avec la nouvelle politique de la Banque Centrale japonaise qui imprime à tout va. Avec cet argent obtenu gratuitement il suffit d’acheter des bons du Trésor français pour empocher la différence sans prendre de risque, puisqu’on peut raisonnablement penser que si la France s’effondre, l’Europe s’effondre. Si l’Europe s’effondre alors le monde s’effondre. Si le monde s’effondre tout le monde s’en fichera pas mal de savoir si vous avez emprunté au Japon pour prêter à la France… Puisque tout le monde sera économiquement définitivement mort. C’est d’ailleurs ce qui explique que des gens prêtent encore à l’Espagne ou à l’Italie… C’est sans doute un raisonnement trop simple pour un prix Nobel, mais c’est un calcul éminemment rationnel que n’importe quel intervenant en salle des marchés vous confirmera.

La nouvelle de la Banque Centrale japonaise a donné lieu à une reprise massive de ce que l’on appelle le Carry Trade. J’emprunte en Yen de l’argent gratuit pour le placer dans d’autres pays et je m’empapaoute la différence sans effort. Franchement, elle n’est pas belle la vie de banquier ?

Ensuite arrive un article d’Agoravox qui mélange à peu près tout et n’importe quoi dans un cocktail absurde d’informations qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, ou plus précisément tire des conclusions totalement erronées d’informations très mal interprétées.

Des articles de la presse allemande attaquent le programme de la BCE nommé STEP et voilà que la mayonnaise commence à monter sur tous les forums et blogs. Reprenons et décryptons.

Qu’est-ce que le programme STEP ?


Le programme STEP est une « convention de place » pour le marché européen de titres à court terme (Short‑Term European Paper ‑ STEP). Comme l’indique la BCE sur son site « le 5 août 2010, le Conseil des gouverneurs, ayant pris acte de la nouvelle convention de place STEP et de la responsabilité exclusive du processus d’attribution du label STEP endossée par le secrétariat STEP, a approuvé la cessation de la participation de l’Eurosystème à cette activité avec effet immédiat. De plus amples informations sur le marché STEP sont disponibles sur le site Internet de la BCE ».

Bon ça c’est pour faire sérieux, complexe et docte, passez petit peuple, c’est trop compliqué pour vous, c’est des affaires sérieuses de grands et de banquiers. Comme on m’a toujours dit que ce qui se comprend aisément s’énonce clairement je vais vous traduire le BCE en bon français d’en-bas dans le texte ! Je vais forcer un peu le trait mais c’est pour me moquer du vocabulaire technique de tous ces crétins de banquiers y compris centraux qui ne veulent surtout pas, mais alors surtout pas que les gens puissent comprendre ce qu’ils font sinon ils vous diraient les choses à peu près comme ça :

En gros les banques prêtent des sous à des gens, des entreprises ou des états (c’est les agents économiques). 

Ces sous prêtés s’appellent des crédits

Quand les gens, les entreprises ou les états (comme la Grèce, Chypre ou le Portugal et bientôt la France l’Italie et l’Espagne) n’arrivent plus à rembourser les crédits au banquier, ces crédits également appelés créances deviennent douteuses, c’est-à-dire pourries ou moisies… au choix, le résultat étant que le banquier concerné l’aura dans le baba ! 

Quand il a trop de crédits pourris… il fait faillite. Logique. 

Comme tout le système bancaire est dans cet état et que c’est la faillite qui menace toutes les banques la Banque Centrale Européenne a mis en place le système STEP qu’elle a décentralisé auprès de l’Eurosystème

En clair c’est chaque banque centrale nationale qui gère ce machin dans son pays.

Ainsi la Banque de France rachète aux banques commerciales leurs crédits pourris pour pas qu’elles ne fassent faillite. Et cet argent provient de la BCE qui le redonne à la Banque de France qui le refile en échange aux banques commerciales.


Pour être encore plus limpide, une banque la BNP, refile ses crédits pourris qui ne seront jamais remboursés à la Banque Centrale Européenne qui ne regarde pas trop les demandes de refinancements qui arrivent de la Banque de France… Evidemment cet argent est créé de toute pièce, à partir de rien, et comme il y en a pour environ 450 milliards d’euros et que la France utilise ce système pour presque la moitié avec près de 190 milliards d’euros pour soulager nos banques commerciales cela commence à faire un peu hurler nos grands « zamis » allemands qui trouvent que l’on abuse un peu et que l’on pousse le bouchon trop loin !

Ainsi la BNP profiterait de cette facilité à hauteur de 44,5 milliards d’euros, la Société Générale emprunterait elle environ 35 milliards d'euros, 35 milliards d'euros pour Dexia (la banque qui a tout raté sauf les stress tests), AXA qui en aurait pour à peu près 27 milliards d'euros, le Crédit Agricole pour 25 milliards d'euros, et le Crédit Mutuel pour 21 milliards, Natixis… on doit bien en oublier quelques-unes…)

Le Système bancaire français est solide !

Quand je repense à ce Cas-huzac qui a osé mentir dans l’enceinte de l’Assemblée Nationale « droit dans les yeux »… vous vous rendez-compte ? Quelle honte, quel scandale. Je me souviens bien du Ministre Moscovici disant (mais c’était à la télé donc là sans doute que l’on a le droit de mentir) que le modèle de banques universelles à la française était excellent, qu’il était le meilleur, qu’on était les plus forts. Ho, rassurez-vous, il n’y a pas que Mosco, tous ceux d’avant nous tiennent le même discours depuis cinq ans.

Donc les banques françaises sont tellement fortes que l’on est en train de les recapitaliser indirectement pour presque 200 milliards d’euros dans le dos de nos partenaires et avec l’aimable complaisance du gouverneur Draghi qui du coup me devient plus sympathique.

Imaginez un instant que ces sous doivent sortir du budget de l’état, c’est-à-dire de vos impôts, et là vous voyez mieux l’ampleur du problème.

De surcroît  il serait logique que nous ayons à un moment ou à un autre un gros problème avec l'une de nos grosses banques... (mais on attendra le 23 septembre 2013 pour le dire).

L’euro va bien exploser

L’euro va bien finir par être reconfiguré (je vous rappelle que l’on ne prononcera pas le mot explosion, comme récession on inventera un autre concept positif du genre croissance négative).

La France retrouvera peut-être son franc et l’Allemagne son Mark, mais avant cela on passera sans doute par une étape intermédiaire avec un euro faible du Sud et un euro fort du Nord. Lorsque notre pays se retrouvera avec l’euro faible dans la même position actuelle que l’Allemagne avec la monnaie unique, nous finirons par lâcher les autres mauvais… puisque nous serons les moins pires.
Mais pour le moment la France n’a pas retrouvé sa monnaie. Non nous ne battons pas monnaie. C’est bien la BCE qui créée la monnaie à la plus grande fureur de notre partenaire allemand qui va bien finir par en mettre quelques-uns dehors ou par se sortir eux-mêmes.

Nous n’y sommes pas encore. Mais nous y viendrons, sans doute après le 22 septembre date des élections allemandes dont je vais vous rabattre les oreilles pendant les prochains mois, car c’est une échéance clef.

D’ici là, on va encore essayer de gagner un peu de temps en espérant que tout cela tienne. Après ce sera l’hallali !

Charles SANNAT

Editorialiste et rédacteur du Contrarien Matin
Directeur des Études Économiques Aucoffre.com


Charles Sannat

Charles Sannat est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires. Il est actuellement le directeur des études économiques d'Aucoffre.com
Tous les articles de Charles SannatVoir son site web

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les commentaires sont ouverts a tout le monde. La liberté d'expression est pleine et entière...
Merci, toutefois, de savoir respecter les commentaires des uns et des autres et de modérer vos propos. Cordialement votre.