Au pays de la bombe nucléaire musulmane, principale allié de la Chine, la tension monte.
Les militaires sont exaspérés par la “mollesse” du gouvernement civil face aux attaques des drones US et la population majoritairement anti-occidental n’a plus confiance dans la classe politique.
Les militaires sont exaspérés par la “mollesse” du gouvernement civil face aux attaques des drones US et la population majoritairement anti-occidental n’a plus confiance dans la classe politique.
A Islamabad, des rumeurs de coup d’Etat des forces armées sont de retour. L’économie, elle, est exsangue, livrée à l’incompétence et à la corruption d’une classe politique discréditée.
Des “indignés” au “pays des Purs” ? A Karachi, capitale économique du Pakistan, ils étaient plus de 100 000, le 25 décembre 2011, à manifester leur ras-le-bol, à l’appel de l’ex-star de cricket Imran Khan, champion de la lutte anticorruption. Rumeurs de coup d’Etat sur fond de tension entre militaires et dirigeants politiques incapables, violence endémique, croissance en berne: le Pakistan est dans un piètre état. Un délabrement d’autant plus inquiétant que le pays est aussi, après la Chine et l’Inde, la troisième puissance nucléaire d’Asie.
Porté au pouvoir en 2008, huit mois après l’assassinat de son épouse, Benazir Bhutto, le président Asif Ali Zardari est aujourd’hui totalement discrédité. Accusé d’avoir sollicité, au printemps dernier, l’aide des Etats-Unis afin de prévenir un éventuel coup d’Etat, il a perdu la confiance de la toute-puissante armée. Car les militaires n’ont jamais pardonné à Washington de les avoir tenus à l’écart, le 2 mai 2011, de l’opération menée contre le chef d’Al-Qaeda, Oussama Ben Laden.
L’attaque sanglante de l’ambassade des Etats-Unis à Kaboul (Afghanistan), le 13 septembre, par le réseau Haqqani, une composante de la mouvance talibane implantée au Pakistan, a encore envenimé la situation, au point que les Etats-Unis s’appliquent désormais à prendre leurs distances à l’égard de cet “allié stratégique” dans la lutte antiterroriste, décidément imprévisible.
Un secteur public sinistré, des usines au ralenti
Les tensions entre l’armée et le gouvernement sont d’autant plus vives que l’économie va à vau-l’eau – une situation directement liée à la mauvaise gestion du pays par le président Zardari et son équipe. En septembre dernier, le Pakistan a purement et simplement claqué la porte du Fonds monétaire international (FMI), refusant de mettre en place les réformes exigées par l’institution internationale, notamment en matière de fiscalité. “Le pays est administré par des incapables, accuse l’économiste Sakib Sherani.
Le gouvernement a placé des incompétents et des corrompus à la tête des grandes entreprises, avec des résultats désastreux. C’est du pillage ! Et maintenant, après avoir mis le secteur public à genoux, ils s’en prennent au privé. Nous sommes gouvernés par une kleptocratie.” Patron d’une entreprise métallurgique, Mohsin Khalid fait le même constat: “Il n’y a eu aucun investissement sérieux depuis 2010. Des entreprises européennes ont même rebroussé chemin, il y a quelques mois, tant les demandes de pots-de-vin émanant de cadres gouvernementaux étaient hallucinantes.” Les experts de la Banque mondiale soulignent dans un récent rapport que 1 entreprise sur 2 se plaint des effets de la corruption.
Les 176 millions de Pakistanais, quant à eux, subissent de plein fouet les conséquences du délabrement économique. “Depuis trois ans, s’énerve Reshad, les coupures d’électricité sont quotidiennes et de plus en plus longues. Plus de quinze heures parfois. C’est insupportable. En hiver, nous sommes gelés; en été, on évente les enfants toute la nuit afin qu’ils puissent dormir !” Ce père de famille habite Kohala, l’un des quartiers les plus pauvres de Rawalpindi, ville qui jouxte la capitale, Islamabad, et abrite notamment l’état-major des forces armées pakistanaises. “La mairie, fulmine-t-il, me renvoie sur le gouvernement. Et, dans les ministères, on m’explique que c’est à la municipalité que je dois m’adresser !” Ailleurs, c’est la distribution de l’eau qui fait défaut. Dans certains quartiers de grandes villes comme Karachi ou Lahore, les robinets sont à sec. “La situation n’a jamais été si catastrophique, affirme un diplomate. D’autant que le pays risque, en 2012, de ne pas pouvoir faire face à ses obligations financières.”
Longtemps fer de lance de l’économie nationale, le secteur du textile est sinistré. A Faisalabad, grande ville industrielle de l’est, les usines ne tournent plus qu’à la moitié de leur capacité, en raison des pénuries d’énergie. “La production est réduite à cinq heures par jour, se lamente Asif, ouvrier du textile depuis quinze ans et père de sept enfants. En 2008, ajoute-t-il, elle ne s’arrêtait jamais.” Les pénuries désorganisent aussi les transports. “Nous n’avons ni pièces de rechange ni combustible”, confie Mohamed Youssef, un machiniste qui, à l’image de nombreux employés du secteur public, n’a pas touché son salaire depuis quatre mois.
S’ouvrir à l’Inde et miser sur la Chine
Un tel déclin économique n’était pas écrit d’avance. Tandis que le taux de croissance a péniblement atteint 2,4 % en 2011, l’Inde voisine, pourtant à la traîne du Pakistan dans les années 1980, affiche désormais un taux de 8 %. Afin d’atténuer les effets d’un isolement régional autoinfligé, Islamabad a enfin normalisé, le mois dernier, ses relations commerciales avec Delhi, l’ennemi historique. Surtout, le gouvernement semble courtiser l’allié chinois. Armement, nucléaire civil, infrastructures : le poids de Pékin ne cesse de croître, au point que la Chine a volé au secours des autorités d’Islamabad, incapables de rembourser un prêt du FMI accordé en 2008, et dont la première échéance arrive en février.
L’ancien champion de cricket Imran Khan, aujourd’hui leader de l’opposition et personnalité préférée des Pakistanais.
Le rapprochement avec la Chine annonce-t-il une alternative à l’alliance américano-pakistanaise ? Peut-être. Pékin n’a jamais rom-pu ses relations avec Islamabad – sur le plan militaire, en particulier – car le Pakistan permet à la Chine de tenir à distance son grand rival indien.
Reste à voir si l’armée poussera vers la sortie le président Zardari, dont le mandat s’achève officiellement en 2013. Les militaires pourraient alors favoriser la candidature d’Imran Khan, le joueur de cricket, qui partage leur antiaméricanisme. Il est assurément l’homme le plus populaire du pays.
L’express
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