jeudi 9 février 2012

Rase Campagne (bis)




Noël Labelle est journaliste professionnel depuis une dizaine d’années. Observateur attentif de la vie politique française, il a notamment couvert l’élection présidentielle de 2007 pour Le Quotidien Indépendant du Luxembourg. Il est aujourd’hui rédacteur en chef d’Agefi Magazine, en Suisse.



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Dernière ligne droite avant l’élection présidentielle. Les candidats, déclarés ou non, rivalisent de propositions censées nous sortir de la crise. Mais aucun n’ose aller à l’encontre des idées étatistes. Petit décryptage hebdomadaire de la langue de bois et de la mauvaise foi habituelle de nos politiciens.

 • Le suspens est fini. Nicolas Sarkozy sera bien le candidat de l’UMP à la prochaine élection présidentielle. L’acte de candidature n’a pas été formulé directement mais Nicolas Sarkozy a affirmé ne pas vouloir se dérober à son «rendez-vous avec les Français». Alors pourquoi ne pas lever officiellement le voile ? Question de stratégie. 

En restant le plus longtemps possible dans le rôle du président, il marque son territoire : celui de l’expérience de l’homme en place. Rien de bien nouveau. 
Mitterrand et Chirac avaient opté pour la même attitude, respectivement en 1988 et 2002. Mais les deux anciens présidents avaient bénéficié de la cohabitation pour user leur principal adversaire qui était également leur premier ministre. Sarkozy n’a pas ce luxe. Il devra défendre son bilan. 

Pas évident, même s’il n’hésitera pas à se cacher derrière la crise pour expliquer les déficits monumentaux du pays et la croissance anémique, celle-là même qu’il voulait, fraîchement élu, aller chercher avec les dents.

La rafale de réformettes annoncées dimanche a un but : crédibiliser l’image d’un président qui agit face aux incertitudes de l’époque. Certes. Mais comment expliquera-t-il que ces réformes, annoncées comme importantes, n’aient pas été engagées plus tôt dans le quinquennat ? Et comment expliquera-t-il qu’aucune de celles entreprises depuis 2007 n’ait réellement abouti ? Ce sera difficile. D’autant que Nicolas Sarkozy n’est pas apparu bon pédagogue et ses références incessantes à l’Allemagne ne plaisent pas forcément aux Français, qui se sentent culturellement bien loin des Germaniques. 

Le président ne devrait pas l’oublier : les Français l’ont élu parce qu’ils souhaitaient une rupture profonde avec la France « rad-soc » immobile des années Chirac. Pas pour une série de réformettes uniquement destinées à occuper l’espace médiatique. Cinq ans plus tard, l’ogre étatique est toujours aussi gourmand. 
L’annonce, très prévisible de la hausse de la TVA, n’a pas été accompagnée d’une baisse drastique de l’État. On est loin de ce que doit être une vraie rigueur, où les efforts concernent toutes les couches de la Nation. Pour l’instant, le contribuable est bien seul... 

En mars 2007, Nicolas Sarkozy avait osé se définir comme libéral. Dimanche, au moins, il a eu l’honnêteté d’affirmer, clairement et par deux fois, le contraire.


Ainsi va le politicien, au gré de ce qu’il pense être les courants porteurs de voix. 

•  Huit chaînes de télévision ont diffusé simultanément l’intervention de Nicolas Sarkozy. Le téléspectateur qui voulait y échapper avait droit sur la TNT au Grand Bazar et àC’est pas parce qu’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule. Amusante coïncidence.

• L’intervention du président-candidat de dimanche avait la mission de clore la folle semaine hollandaise des médias français. 
François Hollande a bien su occuper un espace vide la semaine dernière. Mais ne nous leurrons pas : l’engouement qu’il a suscité relevait davantage d’un soulagement que d’un réel engouement, celui de constater qu’il n’était peut être pas aussi mauvais qu’on aurait pu le penser. 
Et  probable qu’il ne s’agisse  que d’une simple tocade de janvier !

• François Hollande est un homme intelligent qui a bien préparé sa campagne. Mais son programme peinera à résister à la réalité. La crise de l’euro atteindra son point culminant à la fin du mois mars, quand la Grèce devra faire face à une nouvelle échéance. Alors que la crise risque de s’intensifier en Europe, suffira-t-il de continuer à promettre la création d’euros-bonds ? 
La vraie question de cette campagne est : la France est-elle structurellement prête à retrouver rapidement sa compétitivité économique dans une Europe qui sera profondément modifiée par la crise ? Le fait qu’aucun candidat ne l’évoque ne signifie pas forcément que la réponse est positive.

• Alors que la France découvre, effarée, que l’hiver sous ses latitudes est une saison froide, les esprits en campagne s’échauffent. Comme souvent, une petite phrase - en l’occurrence prononcée par Claude Guéant - a provoqué de grandes indignations. Ne revenons pas sur les mots du ministre de l’Intérieur. Pointons plutôt ce qui est réellement choquant : la capacité des politiciens de tout bord à faire de cette phrase un événement, alors qu’elle aurait dû rapidement sombrer dans l’oubli.

L’équipe de campagne de Nicolas Sarkozy a donc réussir un coup à plusieurs bandes :occuper l’espace médiatique, se rappeler aux bons souvenirs des possibles électeurs égarés sur la droite de l’UMP et inciter les autres candidats à prendre position, braquant ainsi la campagne vers d’autres sujets que l’économie et l’emploi...

• Le faux dérapage de Claude Guéant intervient exactement au moment où un sondage IFOP, publié par le JDD, donne Nicolas Sarkozy à égalité au premier tour avec François Hollande, en cas d’absence de candidature frontiste. 

Interroger l’opinion sur cette éventualité est légitime, puisque Marine Le Pen ne cesse de dire qu’elle peine à obtenir les signatures nécessaires pour se présenter. Pourtant,  IFOP et le JDD se trouvent aujourd’hui accusés de mettre en scène cette situation au profit de Nicolas Sarkozy. 

La polémique est ridicule. En février 2007, BVA avait essuyé des critiques similaires pour avoir publié une enquête d’opinion donnant François Bayrou vainqueur face à Royal ou Sarkozy au second tour, alors qu’il accusait onze et dix-huit points de retard dans les sondages sur le premier tour. 
A l’époque, l’institut était accusé de manipuler le public et de faire monter artificiellement la cote du candidat centriste. 
Evidemment, cette controverse prête aujourd’hui à sourire.

Petit rappel à mes confrères journalistes, aux politologues et aux candidats : les sondages ne reflètent l’opinion que d’un moment. Ce n’est ni une course qualificative, ni une consultation officielle des électeurs.

D’ailleurs, que nous apprend l’enquête de Vivavoice, publiée lundi dans Libération, avançant que 52% des Français ne veulent pas de François Hollande comme président et que 31% des Français souhaitent que François Bayrou soit élu ? Simplement que nous sommes à moins de 80 jours du premier tour et que rien n’est joué.

• Si l’UMP chasse sur les terres du Front National, François Bayrou, lui, s’aventure en territoire socialiste. Le candidat centriste a présenté en fin de semaine dernière ses trente propositions pour l’éducation
Plus que des propositions, une véritable déclaration d’amour ! François Bayrou sait parler aux enseignants. Et pour cause : il est lui-même un ancien professeur agrégé de lettres modernes et a occupé le ministère de l’Éducation nationale de 1993 à 1997. Bref, il est des leurs.
Il avait su attiré à lui en 2006 une partie de ces électeurs traditionnellement de gauche, mécontents de la sévérité de Ségolène Royal à leur égard. Pourtant, le vote des profs ne lui est pas acquis. Le candidat socialiste, François Hollande, a d’ailleurs mis les moyens pour le récupérer en promettant la création de 60 000 postes dans l'éducation. 

Bayrou a au moins le mérite de savoir que l’État ne peut plus se permettre de telles dépenses. Du coup, il propose « de lâcher les basques aux enseignants. » Malin. Et beaucoup moins dangereux que de rouvrir  le débat de la libéralisation de l’enseignement…


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