mercredi 22 février 2012

De lourds nuages sur l'économie


Par NOURIEL ROUBINI
Depuis l'année dernière, une série d'événements a redonné confiance aux investisseurs et suscité un rebond marqué des Bourses et des matières premières. 
L'économie américaine s'est redressée, les entreprises des grandes économies avancées sont restées bénéficiaires, le ralentissement de la Chine et des pays émergents a été limité et le risque d'un défaut etou d'une sortie d'un pays de la zone euro a diminué.
Depuis l'arrivée de Mario Draghi à sa tête, la Banque centrale européenne semble disposée à faire tout ce qu'il faut pour diminuer les taux d'intérêt et réduire le stress qui pèse sur le système bancaire et les Etats de la zone euro. Les banques centrales des pays avancés et des pays émergents ont injecté massivement des liquidités.
La volatilité diminue, la confiance revient et pour l'instant l'aversion à l'égard du risque est bien moindre. Néanmoins quatre éléments pèsent sur la croissance mondiale.

D'abord, la zone euro traverse une grave récession, surtout les pays de la « périphérie ». L'austérité pousse ces pays vers le précipice. Ils ne pourront retrouver leur compétitivité, car la diminution du risque de défaut de la zone euro renforce la valeur de la monnaie unique.
Ensuite, on note depuis peu un affaiblissement économique de la Chine et du reste de l'Asie. En Chine notamment, le ralentissement est manifeste avec un fléchissement des exportations. De même l'immobilier marque le pas.

Puis, le rebond de l'économie américaine paraît atteindre un pic, bien que les statistiques soient encore étonnamment encourageantes. Le resserrement budgétaire qui va s'accroître en 2012 et 2013, et la fin des allégements fiscaux vont contribuer à un ralentissement. 

Enfin, les risques géopolitiques au Moyen-Orient augmentent notamment la menace d'une frappe de l'armée israélienne sur l'Iran. Dos au mur du fait du renforcement des sanctions, la république islamique pourrait aussi réagir en bloquant le détroit d'Ormuz ou en faisant intervenir ses alliés dans la région - qu'il s'agisse des éléments chiites pro-iraniens en Irak, à Bahreïn, au Koweït ou en Arabie saoudite, du Hezbollah au Liban ou du Hamas à Gaza.
Il faut aussi compter avec les autres tensions géopolitiques de la région, potentiellement déstabilisatrices, en Egypte, en Libye et au Yémen, tandis que la Syrie est au bord de la guerre civile. La stabilité politique pourrait être menacée à Bahreïn et dans l'est de l'Arabie saoudite riche en pétrole et l'on peut même se poser des questions quant au Koweït et à la Jordanie.
Au-delà des pays affectés par le printemps arabe, les tensions croissantes entre factions chiites, kurdes et sunnites en Irak depuis le retrait américain ne présagent rien de bon pour la production pétrolière.
Malgré la faible croissance dans les pays avancés et un ralentissement dans de nombreux pays émergents, le prix du pétrole avoisine déjà 100 dollars le baril. Si la crainte saisit les marchés, il pourrait encore monter - avec des effets ravageurs sur l'économie mondiale.
Avec autant de facteurs de risque extrême disséminés, s'ils se matérialisent, les investisseurs vont donner la priorité aux liquidités et se détourner une nouvelle fois des actifs fixes à plus haut risque. C'est une raison supplémentaire de penser que l'économie mondiale n'est pas sur la voie d'une reprise durable et équilibrée.



Nouriel Roubini est président de Roubini Global Economics et professeur d'économie à la Stern School of Business (NYU).Cet article est publié en collaboration avec Project Syndicate, 2012.

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