mardi 24 janvier 2012

Rase campagne





Publié le 24 janvier 2012
Noël Labelle est journaliste professionnel depuis une dizaine d’années.
Observateur attentif de la vie politique française, il a notamment couvert l’élection présidentielle de 2007 pour Le Quotidien Indépendant du Luxembourg. Il est aujourd’hui rédacteur en chef d’Agefi Magazine, en Suisse.







Dernière ligne droite avant l’élection présidentielle. Les candidats, déclarés ou non, rivalisent de propositions censées nous sortir de la crise. Mais aucun n’ose aller à l’encontre des idées étatistes. Petit décryptage hebdomadaire de la langue de bois et de la mauvaise foi habituelle de nos politiciens.


- Nicolas Sarkozy est mort. Enfin, si l’on en croit son propre diagnostic. Il y a encore quelques semaines, le président français confiait à son entourage que la perte d’un A lui serait fatale. Depuis le 13 janvier, il sait qu’une fessée n’a jamais tué personne. Tout au plus a-t-il le fondement qui pique un peu…

Si la perte du triple A français est devenue un épisode dramatique de son mandat, c’est uniquement de sa faute. Nicolas Sarkozy a commis l’erreur politique de mettre sur un piédestal une note que tous les analystes avisés savaient particulièrement flatteuse, et donc très menacée. Plus grave encore, ni lui ni son gouvernement ne semble avoir compris le message, pourtant simple, de Standard & Poor’s : la France n’est pas compétitive ! L’endettement colossal n’est finalement qu’une conséquence d’un mal plus profond : l’incapacité de l’Etat à se réformer pour libérer l’économie française de son carcan.

Le récent penchant du président pour la rigueur plait peut-être à la chancelière allemande mais il n’emballe pas les économistes de S&P. Pour eux, sans une réduction drastique de l’Etat, la rigueur ne fait qu’étouffer l’économie. La croissance ne se retrouve pas avec une TVA à plus de 20%. Il paraît que les Grecs philosophent beaucoup sur ce sujet depuis deux ans.

- Et si Nicolas Sarkozy n’était pas candidat ? Les observateurs attentifs de la vie politique française refusent cette idée, arguant qu’il agit déjà comme s’il était en campagne. Certes. Mais le petit Nicolas a toujours présenté les symptômes du candidat compulsif... Sarkozy voulait faire une campagne courte, basée sur l’idée qu’il est le président et qu’un président se doit de rester aux commandes de l’appareil, surtout en période de tempête. Mais les événements récents renforcent le trait soulignant les lacunes et les incohérences de sa politique depuis plus de quatre ans. La rupture aux accents libéraux promise n’a pas eu lieu. La crise financière de 2008 lui a même fourni un alibi pour s’assoir confortablement dans le même fauteuil étatiste que ses prédécesseurs et faire exploser les dépenses publiques

S’il refuse de se présenter, il aura la possibilité de l’expliquer par son sens du devoir qui l’oblige à diriger le pays jusqu’au terme de son mandat au lieu de courir la Province à serrer des mains, par son envie de souffler un peu après cinq rudes années à sauver le monde ou encore par sa vie privée (ce qui serait respectable). Et puis, une fois en dehors du jeu politique, il pourrait contempler la débâcle de son successeur, confronté au pic de la crise, pour revenir en sauveur en 2017. Quel beau scénario ! On saura peut-être le 29 janvier si le Président l’a déjà ébauché.

- L’ancien ministre François Barnier, aujourd’hui commissaire européen aux marché intérieur et aux services, a affirmé haut et fort que la crise de la zone euro n’était pas une «crise à propos de l’euro en tant que devise.» Bel exemple de méthode Coué ! Ce n’est plus un secret que certaines banques nationales réfléchissent à la possibilité de sortir de la zone euro. Et pour cause : actuellement, la zone euro est minée par les déséquilibres et les disparités. Treize Etats sont financés par quatre autres : l’Allemagne, la Finlande, les Pays-Bas et le Luxembourg. Bref, tant que l’Allemagne veut soutenir à bout de bras ces pays, souvent bons clients en produit «made in Germany», la zone euro vivra. 


• Séquence nostalgie sur LCI, dimanche après-midi. La chaîne d'info continue transmettait le premier meeting de campagne de François Mitterrand... Pardon, de François Hollande. Le mimétisme était flagrant : même gestuelle, même intonation, même obstination à vouloir se faire passer pour un homme de gauche...

Que dire du programme de Hollande ? Pas grand-chose. Le PS réchauffe toujours le même plat de l'État indéfiniment généreux : emplois aidés, collectivités aidées, enseignement aidé et économie étouffée. A croire que la crise de la dette souveraine n'est liée qu'à la législature actuelle… Le candidat du PS aime les gens, personne ne sera oublié. Surtout par le fisc ! François Hollande n'a pas expliqué comment il pourrait financer ses propositions sans augmenter les prélèvements. Le socialiste veut être « le président de la fin des privilèges ». S'il est élu et applique son programme, il aura surtout le privilège d'être le président de la fin.

• Le socialiste n'était pas le seul à esquisser son grand dessein pour le pays. Nicolas Dupont-Aignanpromis, lui, une « France libre ». Libérée de quoi ? Certes, depuis quelques mois, l'Allemagne tend à imposer ses décisions au reste de l'Europe, mais de là à évoquer De Gaulle... Soyons honnêtes : si le vocabulaire du candidat souverainiste est emprunté au Général, ses intonations sont celles du Front National. Ses solutions pour la France ? Protectionnisme à tout va, référendum sur la sortie de l'euro, nationalisation à 100% d'EDF et GDF et, bien sûr, contrôle des banques par l'État.

Tous les candidats expriment cette même volonté d’encadrer la finance. François Hollande considère même cette dernière comme son adversaire. Pure démagogie ! Depuis la crise des subprimes, il est facile de pointer du doigt les dérives de ce secteur. Les banquiers sont devenus les grands méchants qui ont fait tant de mal à l'État, donc au bon peuple, bien loin de cet univers de  cupidité. Sauf que... la finance, c’est aussi nous tous. Du petit épargnant au grand banquier. Bref, s’opposer à la finance, c’est totalement absurde. A moins d’être un partisan du sous-développement.

De plus, dans une démocratie libérale, l'application rigoureuse du droit est suffisante pour punir les mauvais agissements. Si l'État avait laissé les financiers crapuleux faire faillite en 2008, au lieu de les renflouer avec l'argent du contribuable, le secteur aurait été naturellement purgé, les bons modèles récompensés, les Français moins endettés et la crise certainement moins longue. Alors, à qui incombe vraiment la responsabilité de la situation actuelle ? 

François Bayrou se démarque des autres candidats par son rapport au temps. C'est un terrien et il n'entend pas brusquer les rythmes naturels. L'urgence, chez lui, n'existe pas. Pas plus que la prise de position. Il l'a encore démontré dans la longue interview qu'il a donnée la semaine dernière à la Voix du Nord. Le candidat centriste aborde la TVA sociale. Il la trouve mal réfléchie et propose qu'on prenne trois ans pour étudier la question. Dans son Béarn natal, où l'on aime tant le rugby, on appelle cela « botter en touche ». C’est ça, le centre : « ni pour, ni contre, bien au contraire ».

Bayrou entend faire exploser le clivage gauche-droite par une posture qui ne fait que le confirmer. Il se veut au-dessus des systèmes, mais ne propose rien qui les dépasse. Issu de la droite sociale catholique, il vante finalement le même assistanat étatique de gauche. Et dire qu’il fut un temps où l'UDF était le seul parti où les rares libéraux du paysage politique français avaient leur place.


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